1956 Premier -1000m sous-terre

En cette année 1956, le mode d’exploration fut révolutionné et révolutionnaire au gouffre Berger. En effet auparavant les explorations étaient réservées à la minorité d’un club ou d’une organisation nationale. Jo Berger lui, pensa mettre cela sur le plan international et par la même occasion de prouver la réalité des records des années précédentes aux septiques.

Le but sera donc d’inviter divers clubs étrangers tout en réservant la grande première » à l’équipe française, ce qui est normal. C’est ainsi que répondront présent l’élite spéléologique de l’époque de 8 nationalités : Liban, Italie, Belgique, Suisse, Pologne, Angleterre, Espagne et Tchécoslovaquie.

Compte tenu de l’ampleur de l’expédition à mettre en place ils vont également rechercher des sponsors (1er marketing spéléo de l’histoire que l’on peut constater sur quelques photos) ainsi que l’appui des autorités pour le transport, pour partie par les airs (avion et hélicoptère). Le reste se fera à dos d’hommes (et de femmes), en effet ce sont plus de 3,5 tonnes de matériel (218 sacs) qui sont à monter sur le plateau de Sornin.

A partir de fin juin, le camp de surface est aménagé à coté de l’entrée du gouffre. On y amène même un poêle et l’eau courante depuis une source grâce à plus d’un kilomètre de tuyaux en plastique … presque le confort 5 étoiles !.

Afin de faciliter la descente et l’assaut final une expédition préliminaire est planifiée du 15 au 23 juillet 1956 avec 16 spéléos qui resteront une semaine sous terre.

Elle permettra l’acheminement de 2 tonnes de matériel (dont 10 sacs de matériel nécessaire pour la réalisation d’un film pris sur le vif marquant le 1er -1000 sous-terre) et l’équipement de camps, celui de la salle des Treize à -500, celui des Toxasters (fossile d’oursin) à -860 m et camp 3 à -910 m dans la salle de Joly.

Un hélicoptère prêté par EDF et un avion vont déposer en plusieurs rotations une partie du matériel dans une prairie proche.

Pour l’assaut final, l’équipe de pointe composée de 12 hommes s’engage le 3 août par groupe de 6. Les journées s’enchaînent avec portage toujours aussi pénible des sacs, la mise en place des bivouacs et équipements des puits.

Les premières prise de vue sont également effectuées pour le film qui fixera l’exploit. Des communiqués météo parviennent régulièrement depuis Grenoble grâce à un poste radio.

Après 1 jour 1/2 de repos ils repartent divisé cette fois en 3 équipes dont une pour installer le camp3 à -910 dans la salle de Joly. Le 11 août, une première équipe part devant pour équiper la « Vire Tu Oses » et la cascade de « l’Ouragan », point d’arrêt de l’expédition de 1955.

Camp 3 à -910 m

La « Vire tu oses » est la vire étroite et inclinée vers le vide située à −950 m permettant d’éviter la rivière.

 

L’«Ouragan » est le dernier puits du complexe où la cascade se pulvérise après une quarantaine de mètres dans un fracas impressionnant.

 

La cote mythique des -1000 se situe en son milieu. La difficulté est d’éviter d’être assommé par l’eau glacée , de plus les embruns vaporisés par la cascade imprègnent d’eau les vêtements.

Après la descente en rappel sous la cascade que l’on ne peut éviter entièrement, ils dévalent la grande galerie qui suit et sont stoppés par un plan d’eau profond.

Ils remontent chercher un canot. Le boyau fait 2 m de large et se rétrécit en même temps que la voute s’abaisse, puis remonte. Le spéléo et canot ne peuvent passer ensemble et il doit subir un bain forcé à 5°.

Passé le plan d’eau ils atteignent vingt mètres plus loin le siphon de -1122 m à minuit.

 

C’est le terminus.

 

Les autres équipiers arrivent ensuite en faisant des prises de vues pour le film commémorant l’exploit.

Il est alors temps de descendre les étrangers. Cela se fera du 12 au 19 août avec l’encadrement des spéléos français en 2 équipes, le 12 et le 14.

 

Certains, fautes d’équipements adaptés, de condition physique ou par sécurité, s’arrêteront avant d’atteindre le siphon terminal.

Le siphon terminal -1122m.

L’annonce est faite aux camps intermédiaires et à l’équipe de surface.

 

Claude Arnaud en veille attendait depuis plusieurs heures la nouvelle.

Liaison téléphonique « Ils ont fini »
Annonce téléphonique entre le camp extérieur (Claude Arnaud, Abelle Lavigne) et les différents camps sous terre (Claudine, Fernand Petzl, Bertezen, Schneider ...) lors de l’expédition de 1956

 Le 15 Août surviendra une violente crue et le groupe de Fernand Petzl et Jean Lavigne restera bloqué dans le froid et l’humidité pendant presque 24H.

 

Heureusement, prévenue par téléphone et coup de sifflets, une équipe pourra leur apporter assistance en jetant dans la cascade un peu d’équipement,  colis de nourriture, tentes, duvets, vêtements de rechange.

 

Ils installent un camp de fortune (qui deviendra le camp des étrangers) sur une plateforme sablonneuse en attendant la décrue pour pouvoir remonter la cascade de l’Ouragan.

Bloqués à -1050 m avec des étrangers
Une partie de l'équipe à la sortie

C’est la fin de l’exploration après 15 jours passés sous terre, la fin d’une belle aventure collective où 19 spéléos dont 7 étrangers seront allés jusqu’au siphon terminal avec l’appui des équipes en surface et aux différents camps de soutien sans qui cela n’aurait pas été possible.

 

Les déséquipements, le portage pénible et les sorties vont se succéder jusqu’au 19 août. Leurs yeux vont devoir se réaclimater à la lumière. De plus, sous terre bien qu’ayant des montres, l’on perd toute notion de l’heure du jour et de la nuit.

 

Ce succès et le record seront fêtés comme il se doit, avec crépitement des flashs, interviews des journalistes et également télégramme de René Coty (alors Président de la république en séjour à Vizille) :

«  En vous remerciant cordialement des sentiments profonds que vous avez bien voulu lui exprimer, votre voisin de Vizille adresse ses vives félicitations à tous ceux qui ont méthodiquement préparé, et vaillamment réalisé cette victoire de la spéléologie ».

Il est important de noter que compte tenu de la qualité de la préparation, de l’organisation et de leur solidarité, pendant ces 4 années d’exploration, il n’y aura pas eu d’accident grave.

 

L’expédition de 1956 à -1000 marque une date dans l’essor de la spéléologie.

Depuis, année après année le matériel utilisé par les spéléologues s’est allégé, les éclairages, les techniques et les moyens se sont affinés. Ils permettent de nouvelles avancées et découvertes qu’il n’a pas été possible de faire à l’époque.

 

Ces découvertes vous les retrouvez dans les pages dédiées aux différents réseaux que constituent dorénavant le réseau Berger.

Photo équipe 1956 :

 

Arrière plan débout :
Georges Marry, Paul Brunel, Marius Gontard, J.Mahot, Jo Berger, Pierre Breyton, Morrachini, Pepitot, Jean et Abelle Lavigne

 

Assis :

Georges Mathieu, Georges Garby, Fernand Petzl, Aldo Sillanoli, Robert Juge, Jean Cadoux, Jacques Berthezen, Yves Noirclerc. Claudine Leconte, Marc Soulas, Louis Potié, Bernard Sert

 

Absent de la photo :

Louis Eymas, Claude Arnaud, Pierre Lafont, Gérard PeaudeCerf, Pierre Chevalier, Woerlé, Bruel, Ruitz, Scheinder. Bellier

Jo Berger radieux à la sortie

Anecdote lors de l’expédition 1956: Médecine des profondeurs
Berthezene est victime d’un début d’otite. Il est alors soigné par le toubib (Docteur Brunel) avec les moyens du bord. L’huile d’une boite de sardine va faire l’affaire, elle va être réchauffée et glissé dans l’oreille du malheureux spéléo . On vous laisse découvrir au début de la bande son dans les médias le résultat de l’opération.

 

Vidéo du film « Siphon -1122 » tournée pendant l’expédition finale de 1956. Le film reçu le prix de la gentiane d’or au 12eme festival de Trente en Italie.

Photos : Collection Jean Lavigne, Jo Berger, Georges Marry